que nous dit le rapport du Conseil d’orientation des retraites?

TL;DR: rien.

Comment ça, rien ? Encore une réflexion de turbo-gaucho pour s’opposer à la réforme des retraites !

Eh bien non ! Figurez-vous que le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) ne nous dit pas que le système va vers un déficit inéluctable. Il dit même le contraire : les dépenses du système des retraites ne dérapent pas. Vous trouverez à la page 7 que, dans le scénario le plus défavorable envisagé par le COR, les dépenses restent stables, à 14,7% du PIB de la France.

Comment est-ce possible ? Trois facteurs l’expliquent :

  1. Parce que les travailleurs sont de plus en productifs : un travailleur créant plus de richesse, il faut moins de travailleurs pour créer autant de richesse.
  2. Parce que le système des retraites a déjà subi des réformes : l’âge moyen du départ à la retraite est déjà à 63.9 ans, soit 63 ans et 11 mois (cf page 9 du rapport).
  3. Parce que les pensions de retraites diminuent : les pensions de retraites ne sont plus indexées sur les salaires mais sur l’inflation, qui augmente moins vite que les salaires (cf pages 8 et 70 du rapport).

Mais la réalité de ce fameux rapport, c’est qu’on ne peut pas s’appuyer dessus !

En effet, ce rapport s’appuie lui-même sur des projections économiques et démographiques qui posent au moins trois problèmes.

L’idée de faire cet article m’est venue devant le stream de Clément Viktorovitch, qui balaie en profondeur ces arguments.


1. Un artéfact dans les projections économiques

L’économiste et enseignant-chercheur Michael Zemmour nous explique sur son blog que « le scénario économique du gouvernement rend le rapport du COR 2022 ininterprétable« .

Il faut savoir que le COR à l’obligation de suivre les prévisions du Gouvernement sur les cinq prochaines années, soit jusqu’en 2027, puis de suivre les siennes à long termes. Or, les prévisions du Gouvernement sont trop optimistes comparées à celles du COR.

Pour pouvoir raccorder leurs prévisions à celle du gouvernement, le COR est obligé d’inventer une crise économique après 2027, pour expliquer le passage des prévisions optimistes du Gouvernement à leurs propres prévisions.

Cette crise créé un artefact visible sur les graphiques présents dans le rapport (par exemple sur celui de la page 100, où il est bien visible en 2028).

Cet artefact rend le rapport inexploitable, puisque basé sur une crise économique envisagée non pas sur des perspectives réelles mais comme une simple correction mathématique.

2. Un problème dans l’hypothèse démographique retenue par le COR

Le démographe Hervé Le Bras explique dans une interview au Monde que « les scénarios du Conseil d’orientation des retraites sont irréalistes en matière de mortalité« .

Chaque année, l’Insee effectue des trois projections démographiques que nous pourrions qualifier d’optimiste, de neutre et de pessimiste. Dans les hypothèses neutre et optimiste, l’espérance de vie des Françaises et des Français continue de croitre. Or, il semblerait que ça ne soit pas le cas, et que l’espérance de vie a tendance à stagner, voire même à diminuer.

Le COR a utilisé ces deux projections (neutre et optimiste) pour faire ses prévisions, et nous savons déjà que les chiffres utilisés pour 2022 concernant la croissance démographique sont nettement sur-évalués par rapport à la réalité.

Cette croissance démographique probablement sur-évaluée dans les 50 années à venir à pour conséquence de sur-évaluer le nombre de pensions de retraite qu’il faudra réellement verser.

3. Des chiffres étonnants donnés par Bercy

Le collectif Nos services publics se demande dans une note concernant le projet de loi retraites si le déficit n’est pas artificiellement gonflé pour justifier la réforme.

Les retraites des fonctionnaires pèsent pour près d’un quart dans les dépenses liées au système des retraites. Cela signifie que, quand le point d’indice – cœur du calcul de la rémunération des fonctionnaire – est gelé, le traitement des fonctionnaires n’augmente pas, et donc les cotisations retraites non plus.

Pour contrer l’inflation, les fonctionnaires – dont le traitement de base n’augmente plus – se voient verser des primes. C’est bien, car ses primes permettent dans une certaine mesure de contrer l’inflation et donc de ne pas appauvrir les fonctionnaires, mais cela pose un problème : les primes ne sont pas soumises aux cotisations.

Selon le collectifs, les chiffres donnés par Bercy dans leur prévision économique ne peuvent s’expliquer que de deux façons :

  • soit ils sont justes, et ils reflètent le projet politique du Gouvernement : le gel des effectifs des fonctionnaires et la diminution de 11% du pouvoir d’achat des fonctionnaires ;
  • soit ils sont faux, et ils reflètent autre chose : une volonté d’augmenter artificiellement le déficit du système des retraites pour justifier la réforme.

Alors que conclure ?

Le choix d’un système de retraite est un choix politique. Peu importe d’où vient le financement, le choix de comment et à quelle hauteur le financer détermine l’idéal de société vers lequel nous voulons nous diriger.

On peut penser qu’il est juste de trouver d’autres sources de financement pour réduire le temps de travail, que ce soit la durée de travail hebdomadaire ou le nombre de trimestres cotisés.

On peut penser qu’il est juste de ne pas alourdir les cotisations, ni pour les salariés, ni pour les employeurs, et qu’il est juste que, simplement, tout le monde travaille plus longtemps.

On peut penser qu’il est juste de mettre en place un âge légal de départ à la retraite en plus d’un nombre de trimestre à cotiser, parce qu’après tout, pourquoi celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt partirais plus tôt ?

On peut penser qu’il est juste de considérer qu’un·e retraité·e n’est plus un actif, qu’il ou qu’elle ne contribue plus à l’effort collectif.

Réformer un système de retraite est un choix politique avant d’être une nécessité économique.